Qui étaient les abadayet de Beyrouth et à quoi ressemblaient leurs cafés ? Remontez avec nous dans le temps à l’une des plus belles époques de l’histoire de Beyrouth et explorez les histoires des abadayet et leurs cafés dans un nouvel épisode de notre série Mémoire Collective de Beyrouth avec le conteur incomparable Tarek Kawa !
Un café détenu par un abaday n’était pas comme n’importe quel café ordinaire détenu par une personne ordinaire ; l’ambiance était différente, ses clients étaient différents, ses murs étaient peints de manière immaculée…
Par exemple, tous les cafés de Basta étaient soit partisans, soit propriétaires de Saeb Salam et donc, ils n’étaient pas seulement des cafés réguliers, ils étaient des centres électoraux pour Salam… avec sa photo toujours affichée sur le mur. Un autre exemple était le café de Michel Saliba à Mazraa qui était étroitement lié à Henri Pharaoun, et toujours avec Pharaoun était Naseem Majdalani. De même, Ahwet el Gemmayze a été créé et possédé par l’abaday Al-Osta Baz, et on le considérait comme favorable à Pierre Gemayel.
Et le café qui n’était pas possédé par un abaday était principalement un café qui soutenait le gagnant : les saisons électorales arrivaient, la photo d’une nouvelle personne était affichée et s’il réussit, ils garderaient sa photo, s’il échoue… ils enlèveraient la photo. Le reste du temps, c’était tout sur quel cheval était prêt à gagner la course, quelles étaient les instructions pour le dimanche? Qui était le jockey et qui le connaissait ? Contrairement au café de l’abaday, ce serait un centre pour les courses et les paris tout au long de l’année.
Le service au café de l’abaday était aussi quelque chose d’exceptionnel, notamment si un invité personnel de l’abaday était en visite. L’invité pourrait être soit une personne cherchant une faveur, soit un autre abaday d’une région différente venant se présenter ou rendre hommage. Maintenant, en fonction de qui visitait le café, les gens sauraient s’il était proche de l’abaday. S’il était un ami, la plupart des clients se lèveraient pour le saluer, puis ils se reculeraient pour leur laisser de l’intimité. Le service changeait également complètement lorsque l’abaday avait un visiteur: les toutes nouvelles tasses à thé seraient sorties, une fancy carafe en cuivre et un plateau flambant neuf, une coupelle remplie d’eau chaude à côté du thé pour garder la tasse elle-même au chaud… tout cela et plus encore. Et le menu, qui était alors un petit tableau à craie, était immédiatement caché lorsqu’un invité distingué arrivait.
Revenons à notre sujet des abadayats : parmi eux se trouvait un homme très connu nommé Elias Al-Halabi. Or, Elias Al-Halabi se distinguait des autres abadays parce qu’on disait qu’il était responsable de la mort de quarante hommes. Il est important de préciser que ces quarante hommes n’étaient pas des gens ordinaires, ils étaient soit des criminels, des voleurs, des espions, ou même des auteurs. Ainsi, ils considéraient Elias Al-Halabi comme le vigilant des abadays, prenant la revanche et la loi en ses propres mains.
Halabi était connu pour être noble, généreux, extrêmement beau, grand, bronzé… célèbre pour sa moustache sur laquelle “un faucon pourrait se percher”.
Des nombreuses histoires sur Al Halabi, il a été dit qu’il a découvert un jour un agent pour l’armée française, travaillant à leur donner des nouvelles des rebelles. Il a réussi à le capturer à Mazraa et a mené un procès public qui s’est terminé par l’exécution de l’espion. Une autre fois, il passait une nuit à Ahwet Saliba à Mazraa quand il a entendu. Il était l’un des nombreux abaday dont plus les nouvelles circulaient, plus les histoires étaient exagérées.
Mais même sa mort a été marquée par un incident étrange, avec des gens disant qu’il les a aidés à la fois pendant sa vie et pendant sa mort. Voici ce qui s’est passé : comme Halabi était très aimé du grand public, beaucoup ont assisté à ses funérailles. Et lorsque son cortège a passé devant le Kahwet Kawkab al Sharq, les personnes qui se trouvaient à l’intérieur du café sont sorties pour lui témoigner du respect.
À ce moment-là, le bâtiment s’est effondré et a tué 40 personnes. Ceux qui sont sortis pour retrouver son cortège funéraire se sont sentis sauvés par lui. De la même manière que Halabi, il y avait beaucoup d’ abaday dont les histoires circulent toujours.
Nous ne pouvons pas nier que les abadayet étaient une partie de la vie de Beirut, une partie des solutions aux problèmes de l’époque, et parfois ils étaient le problème eux-mêmes…mais la solution plus souvent.
Et je voulais envoyer une liste de certains des nombreux abadayat qui dirigeaient Beyrouth à cette époque:
Basta
Ibrahim Zeidan, Muhieddine Ja’ana, Salim Al Dana, Abbas Baydoun, Abdullah et Abu Omar Hamida, Abu Ma’ruf Doughan, Abu Adnan Itani, Khalil et Usman Abdul Al, Tawfiq et Salim Al Srouji, Abu Faisal et Saadedine Shatila, Amin Hijazi, Amin Sardouk, Ahmed Safsoof, Abu Afif Kreidieh, Mohammad Samsama, Rashid et Farouq Chehabeddine, Abu Said Al Jannoun
Mousaytbeh
Abdullah Adwan, Khodr Al Fil, Abu Ali Aitour, Mohammed Khodr Al Anouti, Saleh Al Zareef, George Al Azrak, Abu Ahmad Aitour, Rashid Koleilat, Obeido Al Ankidar (Al Sharqawi), Omar Bawab, Khalil Abdulal, Husni Kheriro (Eido), Abu Afif Baadrani, Hussein Eitour, Abu Zuhair Al Fayoumi, Ukeif Al Saba
Ras el Nabeh
Saad al-Din Kaissi, Abu Khalil Dandan
Tareek el Jdeedeh
Abu Maroof Bakdash, Abu Rashid et Rashid Doughan, Jameel Rawwas, Abu Talib Al Naamani, Abdul Rahman Al Dana, Rashed Houri, Saleh Makkouk, Othman Al Hallak, Salim Madhoun, Jameel Hashash, Hajj Said Hamad
Mazraa
Elia Dada, Michel Saghiyeh, George Tadros, Tanios Khalidi, Karim Baki, Nicolas Karam, Mitri Al-Aqdah, Hanna Yazbek, Nakhle Majdalani (Abu Al-Saad), Saliba Majdalani, Elias Al-Halabi, Michel Saliba
Ashrafieh
Hajj Nicola Murad, Paul Nakhla Al-Arbaniyye, Shakir et Elias Nakad, Al-Osta Baz
Horsh
Noor Al-Arab
Sharing these stories would not have been possible without the work of following historians and researchers. If not for them and many others, Beirut’s heritage and history would have been lost. A special thanks goes out to:
Louis Cheikho – Taha Al Wali – Nina Jedejian – Hassan Hallak – Suheil Mneimneh – Abdul Lateef Fakhoury – Ziad Itani – Beirut Heritage Society – Ya Beyrouth Page